Mon Super Kilomètre

Un long ruban s’étale à travers la ville, entre Gueule Tapée et Médina. Un ruban qui serait comme un fil d’Ariane, un lien entre les différentes composantes de la ville. Le fil servit à Thésée pour sortir de l’antre du Minautore. Il représentait la voie du salut. Mon Super Kilomètre est ce ruban. Mais ici, il ne s’agit pas d’échapper à quoi que ce soit, bien au contraire. C’est une invitation à la rencontre et à l’échange, à la découverte. Une découverte qui ne s’apparente en aucun cas à la grande aventure que l’on entend parfois en rencontrant ce mot. Pas de grand spectacle, pas de nature foisonnante, pas de mer insondable. Simplement l’humain, dans le principe d’une esthétique du peu qui nous contraint à voir l’essentiel. Mon Super Kilomètre est une galerie à ciel ouvert qui épouse le rythme de la ville. Cette ville, c’est Dakar et cette galerie a pour objectif de casser les barrières sociales et esthétiques, de fabriquer du commun, de l’entre. Le peintre y côtoie le marchand de poissons et le réparateur de pneus. Le photographe doit composer avec le vendeur de thé et de babioles. L’artiste, que les institutions académiques l’aient reconnu ou pas, celui qui, au quotidien, renoue avec la magie du bricolage, se trouve côte-à-côte avec l’ancien élève des Beaux-Arts.

Les contraires, ou du moins ce que l’on pouvait avoir défini comme tels, se rapprochent, se découvrent, se contredisent, dans l’ambiance sage et policée de l’arbre à palabre. Il y a la ville. La ville omniprésente dans tout ce qui la compose et la fait vivre. La joie singulière d’une discussion échevelée, le plaisir simple d’être ensemble pour un instant qui pourrait durer toujours, comme c’est le cas dans toute rencontre. Et c’est bien là l’objectif du dispositif imaginé par le duo du collectif UY077 qui s’est associé au collectif Médina, qui est à vivre comme un livre écrit pour nous aider, non pas à mieux comprendre les habitants de Dakar, mais à mieux nous comprendre nous-même. L’art n’est pas exclusif mais inclusif. Il n’est pas la propriété privée de quelques-uns, censeurs auto-proclamés et dictateur du bon goût. Il peut opérer comme un lien social, un méta langage à travers lequel chacun a sa place. Et ce n’est sans doute pas l’effet du hasard si le projet thread, qui signifie fil, en français, s’est associé, à travers la fondation Albers, à cette aventure humaine.

Simon Njami

A long ribbon spreads out through the city, between Gueule Tapée and Medina. A ribbon which would seem like an Ariadne thread, a link between the various components of the city. The thread served Theseus to escape the cave of the Minotaur. It represented the path to salvation. My Super Kilometer is that ribbon. But here, it’s not about escaping from anything; the reverse is the case. It is an invitation for meeting, exchanging, and discovering. A discovery which is not linked to the great adventure we sometimes hear when addressing that word. Not a big show, nor a dense landscape, nor an unfathomable sea. Simply, human beings, focusing on aesthetics, oblige us to see the essence. My Super Kilometer is an open-air gallery which responds to the rhythm of the city. That city is Dakar and this gallery aims to break its social and aesthetic barriers. The painter appears alongside the fishmonger and the car mechanic. The photographer contends with the tea vendor and the tinker. The artist, whether recognized by academic institutions or not, takes up, on a daily basis, with both the handyman and the Fine Arts school alumnus.

Opposites, or at least what we could have defined as such, get closer and discover each other and contradict themselves, in a wise and civilized atmosphere of the palaver tree. Here is the city. The omnipresence of the city that gives it its vitality. A simple pleasure to be together for a moment that hopefully could last forever, as is the case in any meeting. And here is the collaborative objective of the UY077 collective having joined the Espace Medina collective: to serve as a book written to help us, not to better understand the inhabitants of Dakar, but to better understand ourselves. The art is not exclusive but inclusive. It is not the private property of someone else, self-proclaimed censors or dictator of good taste. It can be considered as a social link, a meta language in which everyone finds his or her own place. And it is absolutely not at random that the project Thread which means “fil” in French is joined in this human adventure, by the Josef and Anni Albers Foundation.

Simon Njami